La question du titre pourrait être reformulée ainsi : Est-il préférable : de couper quelques arbres centenaires avec la possibilité d’en replanter comme cela a déjà été fait, pour avoir un tramway, pour réduire fortement le nombre de voitures en ville, en captant notamment les automobilistes du périphérique, pour avoir une meilleure qualité de l’air donc une meilleure santé, pour réduire le bruit, et avoir ainsi une circulation vélo et piétons plus apaisées, pour avoir un patrimoine, un mail et des marchés plus en valeur qu’aujourd’hui ;
Ou bien est-il préférable de ne point trop en faire : de ne couper aucun arbre (ce que tout le monde souhaiterait, dans un monde idéal), d’augmenter nécessairement le nombre de bus bruyants et polluants (actuellement plus de 630 par jour sur le boulevard Béranger) en mettant un BHNS (Bus à haut niveau de service), ce qui aura toutefois 2 à 3 fois moins d’impact que le tramway, par conséquent de ne pas réduire fortement le nombre de voitures (environ 12000 par jour boulevard Béranger et rue Giraudeau aujourd’hui), de ne pas améliorer la qualité de l’air -donc notre santé, ni réduire le bruit, tout ceci en espérant (en priant) que 30 % au moins des automobilistes se convertiront au vélo ?
A l’occasion du projet de la 2ème ligne du tramway à Tours, la crainte de voir des arbres plus que centenaires du boulevard Béranger être abattus ou impactés gravement par les travaux, incite certains à s’opposer au principe du tramway, ou du moins à ce que celui-ci emprunte cet axe. La lutte contre le réchauffement climatique, la préservation de la biodiversité, le rafraîchissement nécessaire du centre-ville, sont autant de bonnes raisons de maintenir et protéger les arbres, nous sommes d’accord. Pour autant, aujourd’hui, le nombre de véhicules à essence empruntant ce boulevard génère une pollution atmosphérique et sonore importante, que les seuls arbres ne peuvent pas empêcher.
En complément des mobilités douces (vélos, piétons), il est donc, selon l’ADTT0, impératif d’augmenter l’offre de transport collectif, en préférant le moins polluant et le plus rapide possible, afin que la part modale s’inverse rapidement. En France, l’automobile reste aujourd’hui encore le moyen de transport privilégié dans les agglomérations pour 40%des déplacements de moins de 3 kilomètres1. Plus inquiétant encore, pour les déplacements domicile-travail, ce taux atteint 65% (incluant les deux-roues motorisés), et 50% pour les trajets de moins d’un kilomètre ! 1
Pour répondre à cet enjeu, la métropole tourangelle a décidé de se doter d’un réseau de 3 lignes de tramway. L’utilisation du tramway en tant que vecteur de la mobilité, possède l’avantage, grâce à sa grande fiabilité, d’induire une pratique vertueuse avec laquelle beaucoup de Tourangeaux ne sont pas encore familiarisés.
0Association de Développement des Transports Collectifs en Touraine / 1 données : Insee Première N°1835 – Janvier 2021)
La qualité de l’air
Dans une Étude du tramway de l’agglomération dijonnaise, Kévin Grossetti décrypte les impacts du tramway sur la qualité de l’air en milieu urbain. « Comparé à d’autres modes de transport motorisé, le tramway se révèle beaucoup plus performant quant à son efficacité énergétique et aux émissions moyennes de CO2 induites. Quel que soit le taux de remplissage, les émissions d’une rame de tramway en zones urbaine et péri-urbaine sont bien inférieures à celles d’un autobus dont le taux de remplissage est de 75%, d’un deux-roues motorisé avec deux occupants ou des émissions des véhicules particuliers. »2

Comparaison des émissions globales de GES des différents modes de transport de voyageurs en fonction
d’un taux d’occupation allant de 15% à 75% (Source : ADEME, 2008). Rejets moyens en grammes de CO2 par voyageur.kilomètre
« Nous avons constaté que pour plusieurs villes ayant mis en service une ligne de tramway, comme par exemple à Grenoble, Clermont-Ferrand ou Montpellier, les co-bénéfices observés vis-à-vis de la qualité de l’air locale sont remarquables, et indiscutables. Dans la plupart des cas, l’amélioration la plus significative concerne les oxydes d’azote. Leurs concentrations diminuent jusqu’à 40% pour certains sites le long de lignes de tramway dans les années suivant leur ouverture. Ces améliorations concernent également parfois, mais dans une moindre mesure, les particules en suspension (PM10), le monoxyde de carbone et le benzène. »2
Ce sont chaque jour environ 12000 véhicules dont plus de 600 bus qui empruntent le boulevard Béranger. Au regard du graphique ci-dessus, on imagine aisément que le remplacement, ne serait-ce que de la moitié d’entre eux par le tramway aura un effet très bénéfique sur la qualité de l’air, permettant en même temps de diminuer le nombre de maladies respiratoires.
2 « Le Tramway : impacts sur la qualité de l’air en milieu urbain d’un mode de transport ‘durable’ » Étude du tramway de l’agglomération dijonnaise, Juin 2013. Mémoire de Master 1 en Transport, Mobilités, Environnement, Climat – Kévin GROSSETTI. Université de Bourgogne UFR Sciences Humaines et Sociales Département de Géographie
Le bruit
80% du bruit en ville provient du trafic routier. Parce qu’il est électrique, parce qu’il remplace et prend la place de plusieurs bus, et de très nombreuses automobiles ainsi que des deux-roues à essence, l’impact du tramway sur le bruit est très positif dans toutes les villes où il est mis en service. Seuls les virages à faible rayon peuvent générer un crissement des roues, mais ce problème est de mieux en mieux pris en compte et traité, notamment grâce à un graissage systématique.
Trafic routier et part modale
Dans le cadre de ce même bilan LOTI, on a comparé le trafic sur de grands axes de la métropole tourangelle.

Dans les rues partagées par le tramway et l’automobile, le trafic a fortement baissé, jusqu’à être presque divisé par deux sur le sud de l’avenue Grammont (entre Liberté et Verdun). Si cette conséquence est une évidence, il est encore plus intéressant de constater que c’est pratiquement dans tout le grand centre de Tours (entre la Loire et le Cher) que la circulation a baissé, à l’exception notable des rues des Tanneurs et Marceau, ce qui permet de déduire que le tramway a eu un effet positif de baisse générale de la circulation vers ou au départ du centre-ville. C’est en réalité sur les axes de contournement que le trafic a sensiblement augmenté entre 2010 et 2017 : l’avenue du Danemark, l’A10 nord, et le boulevard périphérique, en précisant toutefois que le tronçon nord-ouest du périphérique n’était pas en service en 2010. « Bien que le nombre global de déplacements ait augmenté, le nombre de déplacements en voiture a diminué, passant de 600.000 à 580.000 déplacements quotidiens. (…) malgré une augmentation de la distance moyenne d’un déplacement, passée de 3,4 à 3,5 km, la distance cumulée en voiture, et donc le nombre de kilomètres réalisés en voiture, a diminué de 1,87 en 2008 à 1,77 Mkms en 2019 »3(100.000 kms en moins soit 5 %).
Entre 2008 et 2019, alors que le volume général des déplacements individuels a augmenté sur la métropole, la part modale des transports collectifs urbains a augmenté de 2,9 % et celle de la voiture a diminué de 4,3 %. « Dans la zone d’influence du tramway, l’évolution est encore plus importante puisque la part modale de la voiture a diminué de 6 points et celle des transports en commun a augmenté de 5 points. (…) La mobilité en transports en commun, qui était de 0,26 déplacements/jour/habitant en 2008, inférieure à la moyenne nationale de 0,34 (…) est passé à 0,46. »3
3 Bilan Loti de la ligne A du tramway de Tours. Données en accès libre sur le site de la métropole > mobilités > bilan Loti.
Motorisation et part de marché de la voiture
Une enquête sur la mobilité a été réalisée 5 ans avec la mise en service du tramway et une deuxième enquête a été réalisée 5 ans après. Voici les résultats de ces enquêtes pour ce qui concerne la voiture, sa possession et son utilisation.4
Ménages motorisés | Corridor du tramway | Reste de la Métropole |
2008 | 73% | 85% |
2019 | 69% | 83% |
La baisse du nombre de ménages motorisés a été plus forte dans le corridor du tramway (-4 points) que dans le reste de la Métropole (-2 points).
Part de marché de la voiture | Corridor du tramway | Reste de la Métropole |
2008 | 47% | 64% |
2019 | 40% | 61% |
La baisse de la part de marché de la voiture a été plus forte dans le corridor du tramway (-7points) que dans le reste de la Métropole (-3 points). On imagine aisément des bénéfices correspondants en termes d’environnement.
4 Le taux de motorisation des ménages indique le nombre moyen de voitures à disposition des ménages
Arbres et bâtiments : un patrimoine préservé
Pour l’exemple emblématique de l’axe Béranger, il n’y a pas à choisir entre les arbres ou le tramway, car nous avons besoin des deux. Le tramway sera facteur d’embellissement du boulevard et du mail, et redonnera une nouvelle jeunesse aux marchés qui s’y trouvent. A l’image des villes de Strasbourg ou Bordeaux (photos ci-dessous), dont le tramway emprunte des boulevards ayant un mail arboré, mais aussi à l’image des rues empruntées par la ligne A à Tours et Joué, le patrimoine bâti y sera mieux mis en valeur, tout comme le patrimoine végétal qui pourra même y gagner plus d’espace. Il est donc probable qu’il faille abattre quelques arbres, mais il est possible d’en (re) planter. Le bilan de la ligne A est le suivant : 1085 arbres supprimés / 66 arbres transplantés / 2303 arbres plantés. Pour la 2e ligne, à ce stade du projet il est prévu de supprimer 627 arbres, et d’en planter 1884 (données SMT).

Un bilan global très positif
Les résultats sont donc là. L’amélioration de la mobilité constatée dans l’agglomération tourangelle depuis la mise en service de la 1ère ligne de tramway le 31 août 2013 et celles constatées partout en France où ce mode de transport s’est développé prouve à l’évidence qu’il ne s’agit pas d’un mode de transport désuet.
En cette période d’attente concernant la ligne B du tramway, l’ADTT tient donc à rappeler son total soutien à une ligne complète de La Riche à Chambray Sud, seule à même de constituer enfin un réseau de transport collectif dont la métropole de 300 000 habitants a un impérieux besoin, et d’amorcer une ligne C desservant Saint-Pierre-des-Corps.
Plus largement, une desserte améliorée de l’Ouest tourangeau (Halles, Rabelais, Hôpital Bretonneau, quartiers « politique de la ville » Maryse Bastié à Tours et Niqueux-Bruere à La Riche, sites universitaires, pôle des casernes en devenir) et l’accueil de voitures provenant de la périphérie au parc-relais du Plessis seront d’indiscutables bénéfices liés à cette ligne.
Complétée par une ligne de BHNS (bus à haut niveau de service) dans la partie Est de l’agglomération et fluidifiant le trafic devenu insupportable en direction de Chambray et du CHU Bretonneau, cette seconde ligne, attendue depuis neuf ans, peut seule assurer à la métropole tourangelle et à ses habitants un fonctionnement efficace et des mobilités rénovées, sécurisées et durables.
Article rédigé par l’ADTT, le 1er février 2022